L'allotissement
(publié dans notre lettre d'information du mois de septembre 2018)

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Le Conseil d’Etat a récemment précisé l’intensité du contrôle exercé par le juge administratif en matière d’allotissement.

Destiné à favoriser l’accès des PME à la commande publique, le principe de l’allotissement était déjà applicable aux pouvoirs adjudicateurs soumis au code des marchés publics. Désormais étendu à l’ensemble des acheteurs publics par l’ordonnance du 23 juillet 2015, il impose, lorsque l’objet du marché permet l’identification de prestations distinctes, une dévolution en lots séparés.

Lorsqu’il décide de ne pas allotir un marché qui comporte des prestation distinctes, l’acheteur doit se fonder sur l’un des motifs prévus par l’article 32 de l’ordonnance du 23 juillet 2015. Il n’est certes, à cet égard, pas dépourvu de toute marge de manœuvre. Mais, en cas de contentieux, il lui appartiendra de justifier de la réalité du motif invoqué. Sur ce point, le juge administratif exerce un contrôle « normal », tout en tenant compte, comme le précise le Conseil d’Etat, « de la marge d'appréciation reconnue au pouvoir adjudicateur »1.

Lorsqu’il a acté le principe de l’allotissement, l’acheteur doit encore déterminer le nombre et la consistance des lots. Il dispose, à cet égard, d’une liberté plus importante déjà reconnue sous l’empire du code des marchés publics2. Bien que les textes applicables n’emploient plus le terme « librement », cette marge d’appréciation est réaffirmée par le Conseil d’Etat après l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 23 juillet 2015 et du décret du 25 mars 2016. Lorsque les circonstances le justifient, cette liberté permet notamment à l’acheteur d’opter pour un allotissement géographique, alors même qu’un allotissement fonctionnel est possible. Ainsi, dans l’affaire Hauts-de-Seine Habitat, le Conseil d’Etat a estimé que le choix d’un allotissement par site pour un marché d’entretien courant et de remise en état de logements n’était pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation dès lors que l’office apportait des justifications cohérentes sur ce point3. Celles-ci tenaient à la réduction des délais d’exécution, la meilleure coordination entre les intervenants et, également, aux difficultés rencontrées dans l’exécution du précédent marché qui avait donné lieu à une division en 97 lots du fait d’un allotissement à la fois fonctionnel et géographique.

Dans les marchés allotis, l’acheteur peut limiter le nombre de lots susceptible d’être attribués à un même candidat. Cette faculté, initialement reconnue par le Conseil d’Etat4, est désormais expressément prévue par l’article 12 du décret du 25 mars 2016 qui précise que le nombre maximal de lots qui peuvent être attribués à un même soumissionnaire, ainsi que les modalités d’attribution des lots, doivent être mentionnées dans les documents de la consultation. Lors de l’analyse des offres, l’acheteur devra se montrer attentif aux éventuelles stratégies mises en œuvre par les candidats pour contourner cette limitation, notamment par le truchement artificiel de personnes morales juridiquement distinctes. C’est ce qu’illustre la décision du 11 juillet 2018, par laquelle le Conseil d’Etat a considéré que, lorsqu’un opérateur économique ne dispose pas de moyens propres, et s’appuie intégralement sur les moyens d’un autre candidat, ces deux entités doivent être regardées comme un seul et même candidat5.

Qu’en est-il dans le cadre des concessions de service public ? Le Conseil d’Etat s’est prononcé sur ce point et a jugé, par une décision prise au regard des anciens textes, mais qui reste d’actualité, « qu'aucune disposition législative ni aucun principe général n'impose à la collectivité publique qui entend confier à un opérateur économique la gestion de services dont elle a la responsabilité de conclure autant de conventions qu'il y a de services distincts »6. Le choix du périmètre d’une DSP n’est donc pas soumis au principe de l’allotissement, ce qui laisse aux collectivités une large marge d’appréciation. Elles ne peuvent, toutefois, précise le Conseil d’Etat, « donner à une délégation un périmètre manifestement excessif, ni réunir au sein de la même convention des services qui n’auraient aucun lien entre eux ».

LES DEROGATIONS

Même lorsque le marché comporte des prestations distinctes, l’acheteur n’est pas tenu d’allotir lorsqu’il se trouve dans l’un des trois cas suivants :

1°) s’il n’est pas en mesure d’assurer, par lui-même, les missions d’organisation, de pilotage et de coordination
2°) si l’allotissement est de nature à restreindre la concurrence
3°) si l’allotissement risque de rendre techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse l'exécution des prestations


Lorsque l’acheteur déroge au principe de l’allotissement, il doit motiver ce choix en énonçant les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde selon les modalités prévues par l’article 12 du décret n° 2016-360.


REFERENCES

Textes
Article 32 de l’ordonnance n° 2015-899
Article 12 du décret n° 2016-360
Jurisprudence
1 CE, 25 mai 2018, Département des Yvelines, n° 417869
2 CE, 21 mai 2010, Commune d’Ajaccio, n° 333737
3 CE, 25 mai 2018, Hauts-de-Seine Habitat, n° 417428
4 CE, 20 février 2013, Société Laboratoire Biomnis, n° 363656
5 CE, 11 juillet 2018, Communauté d’agglomération du Nord Grande-Terre, n° 418021
6 CE, 21 septembre 2016, Communauté urbaine du Grand Dijon, n° 399656



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