Produits défectueux : Le droit commun des contrats et de la responsabilité délictuelle

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Une obligation générale de sécurité, fondée sur la bonne foi et l'équité contractuelles, s'est développée à travers l'interprétation judiciaire des articles 1104 et 1194 du Code civil.

Traditionnellement, le droit français applique le principe de non-cumul du droit des contrats et du droit de la responsabilité civile : en d'autres termes, une victime d'un préjudice contractuel ne peut engager une action en responsabilité civile délictuelle et, à l'inverse, pour qu’une personne puisse engager une action contractuelle, elle doit être partie à ce contrat.

En vertu du droit de la responsabilité délictuelle, la personne lésée par un produit a un recours contre l’auteur de la faute au titre de l'article 1240 du Code civil et contre le gardien du produit au titre de l'article 1242 du Code civil. Cependant, la responsabilité du fait des produits défectueux prévaut sur le droit général des contrats et le droit général de la responsabilité délictuelle. En conséquence, une victime ne peut intenter une action en justice contre le producteur ou le fabricant sur la base du droit général des contrats ou de la responsabilité délictuelle que si les lois sur la responsabilité du fait des produits défectueux (articles 1245 et suivants) ne s'appliquent pas.

Droit commun des contrats

Une obligation générale de sécurité fondée sur la bonne foi contractuelle et l'équité s'applique à tous les contrats. Cette obligation de sécurité pourrait être décrite comme un mécanisme permettant de transférer le risque de la victime au professionnel, censé être plus solvable.

Selon les contrats, l'obligation générale de sécurité peut impliquer une obligation de résultats ou une obligation de moyens. Dans le cas d'une obligation de moyens, la victime doit prouver la faute telle que la négligence, le préjudice, et le lien de causalité entre la faute et le préjudice alors que dans le cas d'une obligation de résultats, la victime n'a qu'à prouver le préjudice et que le résultat n'a pas été atteint.

L'évolution de l'obligation générale de sécurité a été limitée par la promulgation de la directive communautaire européenne (25 juillet 1985) reprise dans les articles 1245 à 1245-17 du code civil français prévoyant de nouvelles règles de responsabilité du fait des produits défectueux. Ces nouvelles règles interdisent au demandeur d'intenter une action fondée sur le droit général des contrats, à l’exception des actions fondées sur :
- la garantie légale des vices cachés; ou
- la négligence ou faute du fabricant ou du producteur lorsque la faute n'est pas liée au manque de sécurité du produit.

Lorsque le vendeur est un professionnel, l'obligation de sécurité du contrat de vente consiste à livrer des produits exempts de tout défaut de fabrication ou autre susceptible de mettre en danger les personnes ou de nuire aux biens. Par exemple, les vendeurs professionnels sont responsables - en cas de défaut de conception, de fabrication voire d'emballage du produit vendu, lorsque celui-ci est à l'origine du sinistre - de l'absence de confirmation de la conformité du produit avant sa mise sur le marché.

Ce qu'il faut prouver

Outre la violation d'une obligation de sécurité, le demandeur doit prouver les dommages matériels et/ou corporels et que la violation de l'obligation de sécurité a été la cause immédiate de ces dommages matériels et/ou corporels.

Causes d’exonération

La faute de la victime peut constituer une cause limitant la responsabilité d'un fabricant ou producteur professionnel voire exonérer de responsabilité du fabricant ou producteur. Ce dernier ne pourra être tenu pour responsable s’il peut établir que la faute de la victime a été la cause exclusive du préjudice ou en cas de force majeure.

Dispositions contractuelles excluant ou limitant la responsabilité en vertu du droit général des contrats

Selon l'article 1231-3 du Code civil, les clauses contractuelles excluant ou limitant la responsabilité sont valables sauf en cas de faute lourde ou de faute intentionnelle de la part du fautif.

De plus, il existe de nombreux domaines où ces dispositions contractuelles sont exclues par la loi ; par conséquent, ces dispositions seront considérées comme nulles et non avenues. A titre d'exemple, l'article 1245-14 du Code civil français relatif à la responsabilité du fait des produits défectueux s'oppose à de telles dispositions. Selon l'article L.212-1 du Code de la consommation, les clauses prévoyant la suppression ou la réduction de l'indemnisation du préjudice subi par un non professionnel ou un consommateur en cas de manquement du professionnel à l'une quelconque de ses obligations sont réputées invalides.

Toutefois, ces dispositions sont valables si elles sont convenues entre professionnels de la même spécialité exerçant leurs activités commerciales habituelles.

Droit commun de la responsabilité délictuelle

Le droit de la responsabilité délictuelle s'applique, par opposition au droit des contrats, dans les deux cas suivants :

Lorsque le préjudice survient pendant l'exécution d'un contrat mais ne résulte pas de la violation d'une obligation générale de sécurité. C'est le cas lorsqu'un patient se blesse lors de l'utilisation d'un produit défectueux par le chirurgien.

Lorsqu'il n'y a aucune relation contractuelle. C'est le cas, par exemple, lorsqu'un client se blesse dans les locaux d'un commerçant. Dans ce cas, la victime ne peut fonder sa demande sur la responsabilité contractuelle du professionnel puisqu'aucun contrat n'a été conclu.

En ce qui concerne le premier point ci-dessus, il convient de souligner que la notion large de responsabilité contractuelle au regard des exigences de sécurité, telle qu'adoptée par la jurisprudence, ne permet pas de définir clairement le champ de la responsabilité contractuelle par opposition à la responsabilité délictuelle.
En vertu du droit de la responsabilité délictuelle, la personne lésée par un produit ou tout objet inanimé est recevable à agir contre le fautif au titre de l'article 1240 du Code civil et/ou le "gardien" de l'objet inanimé au titre de l'article 1242.

La responsabilité pour faute en vertu de l'article 1240 du Code civil

Pour engager une action contre le fautif en vertu de l'article 1240 du Code civil français, le demandeur doit prouver la faute, les dommages matériels et/ou corporels, et que la faute est la cause immédiate du préjudice.

Le fait de ne pas fournir des informations concernant les précautions à prendre lors de l'utilisation d'un produit dangereux peut être considéré par les tribunaux comme une faute.

L'inaction peut aussi constituer une faute. Par exemple, face à un danger connu et scientifiquement identifié, un fabricant qui ne prend aucune mesure (comme procéder à un rappel) manque à son devoir de vigilance. Au regard des exigences réglementaires européennes et françaises, un constructeur peut voir sa responsabilité engagée, malgré la faute de la victime, pour ne pas avoir prévenu un préjudice prévisible.

La responsabilité du fait du gardien du produit (ou de l’objet inanimé) en vertu de l'article 1242 du Code civil

Aux termes de l'article 1242 du Code civil, la responsabilité peut également être engagée à l'encontre du gardien d'un produit pour les dommages causés par celui-ci alors qu'il en avait la garde. Pour que la responsabilité soit établie, il faut prouver le lien de causalité entre le produit et le dommage ainsi que le fait que ce produit (ou objet inanimé) était sous la garde de cette personne au moment du dommage. En règle générale, toute personne ayant le pouvoir d'utiliser, de contrôler ou d'exploiter le produit peut être tenue responsable en tant que gardien.

L'exigence relative à la garde ne soulèvera pas beaucoup de difficultés dans la plupart des cas puisque le gardien est généralement à la fois le propriétaire et le gardien du produit. Le plus souvent, le propriétaire l'a sous sa garde au moment de la survenance du préjudice. La question peut cependant se poser de savoir qui est responsable dans le cas où le propriétaire et le gardien du produit sont deux personnes différentes, par exemple, lorsque la chose causant le dommage a été empruntée ou volée.

L'article 1242 ne crée qu'une présomption de responsabilité du gardien. Dès lors que le gardien est en mesure d'établir qu'il a perdu l'usage, le contrôle et la capacité de contrôler le produit, il n'est plus réputé en avoir la garde et la présomption de responsabilité prévue à l'article 1242 du code civil ne s'applique plus.

 « L'utilisation » peut être définie comme « le contrôle du produit dans son propre intérêt ». Le « contrôle » est le pouvoir de décider à quelles fins le produit sera utilisé. La « capacité à contrôler » peut être définie comme « la capacité à empêcher le produit de fonctionner de manière incorrecte ».
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