Répétition de l'indu de frais professionnels : la prescription biennale s'applique

Brouillon -

L'article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 prévoit :
"Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale"

Il s'infère de cet article qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement : c'est la prescription biennale.

Cependant, la notion de "somme versée à titre de rémunération" est parfois sujette à interprétation.

Dans ses conclusions sous l'avis du Conseil d'Etat du 28 mai 2014 (Conseil d'Etat, avis, 28 mai 2014, nos 376501, 376573, Le Mignon et Communal), le Rapporteur Public Bertrand DA COSTA a indiqué de manière très pédagogique : 

" S'agissant du champ d'application de l'article 37-1, la notion de rémunération intègre toute la rémunération, mais seulement la rémunération des agents publics. Pour les fonctionnaires, il s'agit donc du traitement, des primes et indemnités qui en constituent l'accessoire, le cas échéant, de la nouvelle bonification indiciaire et, sans doute, du remboursement des dépenses engagées pour l'exercice des fonctions ".

Le Conseil d'Etat a eu l'occasion également de préciser, dans un arrêt du 31 mars 2017 (Conseil d'Etat, 31 mars 2017, n° 405797), que cette prescription s'applique "à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération".

Dans plusieurs décisions, le juge administratif a retenu en revanche que les indemnités versées à l'agent au titre de son éviction de la fonction publique ne sont pas des éléments de rémunération auxquels la prescription biennale s'applique, que l'éviction soit régulière et irrégulière. 

Voir, pour un rappel très récent : Cour administrative d'appel (CAA) de Versailles, 10 mars 2022,
n° 19VE01274


Le juge administratif a été amené, dans un arrêt du 23 septembre 2022, à se prononcer sur la question des frais professionnels, notamment des frais de déplacement.

Voir en ce sens : CAA de Marseille, 23 septembre 2022, n° 20MA04411

Prenant appui sur
les travaux parlementaires et sur une circulaire du 11 avril 2013, la Cour administrative d'appel estime que les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents "doivent être comprises comme visant l'ensemble des sommes susceptibles d'être versées, à titre principal ou accessoire, par une personne publique à l'un de ses agents, en sa qualité d'employeur. Dès lors, quand bien même les frais de déplacement en litige, versés à M. D... alors qu'il était en position d'activité, ne constitueraient pas un élément de sa rémunération, au sens de l'article L. 4123-1 du code de la défense, et ont été engagés sur le titre III du budget du ministère relatif aux dépenses de fonctionnement et non sur son titre II relatif à la rémunération des personnels, leur répétition est soumise à la prescription biennale prévue par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000".

La CAA de Marseille soumet ainsi à la prescription biennale les frais de déplacement, ce qui n'était pas nécessairement évident, même si le
Rapporteur Public Bertrand DA COSTA, dans ses conclusions susvisées, indiquait déjà que le remboursement des dépenses engagées pour l'exercice des fonctions  était "sans doute" soumis à cette prescription.

Au cas d'espèce, un militaire -
maître principal dans la marine nationale et affecté au centre d'instruction naval de Saint-Mandrier en qualité d'électrotechnicien - avait bénéficié d'un congé de reconversion afin d'effectuer une période d'adaptation en entreprise ; un  ordre de mission avait été établi afin qu'il soit indemnisé des frais de déplacement. Le militaire avait perçu une avance correspondant à 75% du montant présumé dû au titre du transport, de l'hébergement et de la restauration. Estimant que cette somme avait été perçue à tort, l'administration avait émis un titre de perception pour recouvrer cette somme.

Le Tribunal administratif de Toulon avait
annulé ce titre de perception au motif que l'action en répétition de l'indu était prescrite.

La Cour administrative d'appel de Marseille confirme le jugement, en incluant dans le champ d'application de la prescription biennale
les frais de déplacement de l'agent, remboursés par l'administration.

L'arrêt de la CAA est consultable sur Legifrance
.

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